En 2019, le Scope 3 représentait 69% des émissions eq.CO2 du CAC40. Ce chiffre parle de lui-même. Ce sera l’enjeu majeur des années à venir dans la réduction des émissions de CO2.

Selon le CDP, la trajectoire actuelle des entreprises européennes conduit à un réchauffement de 2,7 degrés d’ici 2050. Réduire le Scope 3 est le principal levier pour aligner les trajectoires. Il recouvre les émissions induites par les activités des entreprises : émissions de leurs fournisseurs, de leurs clients, de leurs franchises, de leurs investissements…. Ce sont 15 catégories d’émissions au total.

Le Scope 3 de 34 groupes du CAC 40 analysé


Grâce aux données du CDP, nous avons pu reconstituer l’ensemble des émissions de Gaz à Effet de Serre de Scope 3 des 34 grands groupes du CAC40 qui ont déclaré leur politique Climat 2020.

Nous avons ainsi analysé et comparé les émissions de ces groupes sur les 15 catégories du Scope 3.

Le CDP, qui demande depuis 20 ans aux entreprises et institutions financières de déclarer leurs émissions de GES et d’expliquer leurs politiques climat est le seul inventaire aussi complet, détaillé et accessible sur ces données.

Pour 76% de ces 34 groupes, le Scope 3 représente plus de 50% de leurs émissions. 

Pour 65%, il représente plus de 80%. 

Cette proportion du Scope 3 dans le total des émissions dépend de 3 variables :

  1. Secteur d’activité : pour les activités de grande distribution ou de grande consommation, la majorité des émissions sont “extérieures” à l’entreprise
  2. Niveau d’intégration de la chaîne de valeur : plus les activités ont été externalisées auprès de sous-traitants, dans le secteur industriel notamment, plus le Scope 3 sera important)
  3. Qualité et précision du reporting : sur les 15 catégories, certaines restent encore très peu calculées et donc sous-représentées (les investissements par exemple) alors que celles dont la méthode de calcul est maîtrisée peuvent être sur-représentées

Ce sont 2 catégories sur les 15 du Scope 3 qui représentent la très grande partie des émissions.

Nos 8 enseignements tirés de l’analyse du Scope 3 des grands groupes et de leurs politiques climat.

 


1. L’utilisation des produits et services : 1er poste d’émissions le plus important

La première catégorie, le “Use of Sold Goods” (utilisation des produits et services par les clients) représente 73% des émissions au total.

Elle est particulièrement importante pour 3 secteurs d’activités :

  • Energie, pour les acteurs dont les produits sont les énergies carbonées : pétrole ou gaz
  • Industrie, pour les entreprises dont les produits et services fonctionnent à partir d’énergie carbonée
  • Transport

2. Pour réduire les émissions de CO2 de cette catégorie, les Directions Marketing sont fortement impliquées dans les groupes les plus avancés

Jusqu’à présent, dans la majeure partie des grands groupes, les Directions les plus engagées dans la réduction des émissions du Scope 3 (comme les autres Scopes) ont été les directions :

  • RSE ou DD
  • R&D pour développer des produits et services décarbonés et compétitifs (exemples : processus industriels fonctionnant à base d’hydrogène vert ou d’énergies renouvelables, véhicules électriques ou hydrogènes…)
  • Conformité Réglementaire pour publier ces émissions

Or, dans les groupes les plus avancés dans la décarbonation, les Directions Marketing sont fortement mobilisées pour réduire les émissions du “Use of Solde Goods” et 3 types de compétences sont développées :

  • Market Research appliqué à la décarbonation. Il permet de comprendre de manière fine les comportements des clients et les émissions de GES qui y sont liées. Les segmentations clients fondées sur les émissions de GES y sont des outils aussi répandus que les segmentations clients classiques fondées sur la valeur / le panier moyen etc…
  • Marketing cognitif pour comprendre les freins individuels et collectifs à l’adoption de comportements plus vertueux, les moyens de les contourner.
  • Co-design / design thinking appliqué à la transition bas-carbone pour co-concevoir des solutions décarbonées s’appuyant sur les besoins clients.

3. Les achats : 2ème poste d’émissions le plus important

Il s’agit de la catégorie “Purchased Goods and services”.

Il représente 15% des émissions des 34 grands groupes analysés et est particulièrement important pour 3 secteurs d’activités :

  • Grande distribution et grande consommation (alimentaire et cosmétiques)
  • Luxe
  • Industrie

4. Les Directions Achats aux avant-poste de la réduction des émissions de la chaîne de valeur dans les groupes les plus engagés

Dans les groupes qui réduisent le plus leurs émissions liées à cette catégorie, les Directions des Achats développent des savoir-faire spécifiques :

  • Evaluation fournisseurs en fonction des émissions de GES (sur les différents Scopes) et des plans d’alignement à la trajectoire des Accords de Paris
  • Définition d’exigences produits ou services en termes d’intensité carbone dans les Appels d’Offres. Ces exigences sont fondées sur des benchmarks marché pour identifier les meilleures performances environnementales du marché (best-in-class, best practices)

Les groupes les plus avancés dans la réduction des émissions de GES mènent également des réflexions sur les chaînes de valeur les plus performantes sur le plan environnemental. Quelle logique de make-or-buy pour réduire les émissions de CO2 de la chaîne ? Quelles stratégies d’approvisionnement local vs. international ?

5. Les voyages d’affaires et les déplacements des salariés : une priorité pour le secteur des services IT, les institutions financières, les médias / entertainment

Les déplacements des salariés (voyages internationaux et déplacements quotidiens) représentent 1% des émissions de Scope 3 des grands groupes. Cependant, pour certains secteurs, cette proportion est bien plus élevée (entre 5 et 10%)

  • Services / Nouvelles Technologies
  • Institutions financières
  • Médias / entertainment

6. Le “transport aval” (ou downstream transport) : un enjeu pour le secteur du Retail 

Les transports des clients représentent pour certains acteurs du secteur jusqu’à 65% de leurs émissions de Scope 3.

7. Pour les institutions financières, des méthodologies à développer pour évaluer leur Scope

Les institutions financières ne déclarent pas encore d’émissions liées aux investissements. Ainsi, pour pallier cette lacune, le CDP a lancé un questionnaire “Financial Institutions” avec des questions spécifiques pour leur permettre d’estimer l’intégralité de leur Scope 3.  

8. La précision et le granularité des datas carbone doivent encore être améliorées pour les rendre plus opérationnelles

En effet, 21% des entreprises ne complètent pas l’ensemble des catégories du reporting Scope 3 du CDP (mention “Not Yet Calculated”) et notamment les catégories : “Use of Sold Goods”, “Employee commuting”, “Upstream Transport”.

Par ailleurs, 57% des données publiées au CDP sont des extrapolations et ne viennent pas directement des fournisseurs ou des clients. Dans la catégorie “Use of Sold Goods”, seulement 34,8% viennent des clients.

Dans la catégorie “Purchased Goods and Services”, seules 34,3% des données viennent des fournisseurs. Or, les groupes les plus avancés dans la décarbonation de leur chaîne de valeur ont mis en place des programmes avec l’ensemble de leurs fournisseurs pour obtenir des données fiables, précises et à jour.

Par conséquent, ces groupes peuvent évaluer plus précisément l’impact des actions menées. Cela leur permet de mettre en place des outils de suivi aux mains des opérationnels, des politiques de reconnaissance factuelles et de mobiliser.

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