Informaticien de formation, Laurent Esknazi est co-fondateur de Boavizta.
Très impliqué dans la sobriété numérique et l’économie Open-Source, il conseille les entreprises pour mesurer l’impact de leurs interfaces numériques sur l’environnement.
A partir de quand le numérique devient-il un risque pour la planète ?
C’est déjà le cas. Selon The Shift Project, le numérique était responsable de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2019 (production et usage des équipements).
C’est plus d’émission que l’aviation. Si la tendance actuelle se poursuit, cette part pourrait doubler d’ici 2025 pour atteindre 8 %. Soit l’équivalent des émissions générées par le parc automobile.
Nous savons que nous devons réduire nos émissions de 4 à 5% par an pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et rester sous les 2° d’augmentation de température par rapport à l’ère préindustrielle. La numérique suit la tendance inverse.
Par ailleurs, le numérique n’est pas seulement générateur de gaz à effet de serre. Il impacte également :
- L’énergie
- L’eau
- La biodiversité
- Les ressources naturelles non renouvelables.
Quels sont les ordres de grandeur en termes d’empreinte environnementale ?
En prenant en compte l’ensemble du cycle de vie, et synthétisant les différentes publications scientifiques, on obtiendrait la répartition suivante :
- 40% de l’empreinte pour les terminaux (PC, écrans, tablettes, smartphones, …)
- 25% pour la partie réseau
- 35% pour les centres de données, la place du cloud prenant une part de plus en plus importante
Quelles sont les bonnes pratiques d’un pilotage environnemental d’un SI ?
Une étude de Carbone 4 montre que 75 % des efforts de réduction d’émissions de gaz à effet de serre doivent être portés par le collectif, c’est à dire l’Etat et les entreprises.
La DSI au sein de l’entreprise a la capacité de faire changer les mentalités sur le numérique. Elle doit lancer une démarche structurée de mesure d’impact environnemental du numérique. C’est une condition nécessaire au pilotage d’un plan de réduction éclairé et efficace.
Seulement, beaucoup d’organisations et de DSI se heurtent à de nombreux écueils :
- Equipes peu sensibilisées ou peu formées
- Absence de méthodologie standard de mesure ou de pilotage
- Pas de référentiel d’impact
- Méconnaissance des stratégies d’évaluation rapide
- Complexité à analyser les résultats, à définir un plan d’action efficace
- Peu ou pas de suivi dans le temps
Il est nécessaire de progresser sur l’ensemble de ces sujets, en commençant par identifier et s’approprier une solide méthodologie.
Quels sont les nouveaux outils ou méthodologies à mettre en place ?
Boavizta a consolidé une batterie de mesure d’impact environnemental du numérique avec le soutien de nombreuses organisations et d’experts.
Cette méthodologie s’inscrit dans un process itératif d’amélioration continue, couvrant l’ensemble des infrastructures (datacenter, réseau, Workplace, cloud). Elle met en œuvre de multiples stratégies pour fiabiliser et accélérer les résultats. Cette méthodologie s’appuie sur l’inventaire des composantes numériques de l’organisation, et sur un référentiel d’impact multicritères de chaque composante. Elle est accessible de façon libre et ouverte aux membres du groupe de travail Boavizta, et bientôt au grand public.
Voilà quelques bonnes pratiques que nous recommandons dans le cadre de la mise en œuvre de cette méthodologie :
- Définir clairement les objectifs de la mesure et les analyses souhaitées
- Consolider l’inventaire des équipements en croisant plusieurs sources de données
- Documenter les bonnes métadonnées lors de l’inventaire
- S’appuyer sur des données externes actualisées et fiables
- Assurer la traçabilité des données, la documentation des arbitrages
- Utiliser plusieurs approches pour affiner progressivement la précision
- Travailler à périmètre constant d’une mesure à l’autre
- Enrichir progressivement les critères environnementaux
En quoi cela change-t-il les pratiques pour une Direction Digitale ou une DSI ?
L’empreinte du numérique est une dimension supplémentaire à intégrer dans le pilotage de la DSI. Elle nécessite :
- Un ajustement de sa vision stratégique
- Le pilotage de nouveaux indicateurs,
- La mise en place de nouveaux process et outils et de nouveaux critères d’achat
- La formation des équipes
Ces efforts sont susceptibles de favoriser le développement d’architecture et de services numériques moins coûteux. Ils pourront renforcer le positionnement de la DSI comme un acteur innovant et responsable en avance sur les pratiques et réglementations, mais également comme partenaire dans le développement d’offres clients attractives, en alignant les valeurs de l’entreprise et l’impératif écologique.
Que faites-vous avec Boavizta ? Quelles sont vos expertises ?
Boavizta est un groupe de travail souhaitant fiabiliser, simplifier et accélérer la mesure d’impact environnemental du numérique des organisations.
Nous fédérons des acteurs de l’écosystème « mesure » (entreprises, associations, recherche), et des professionnels à l’expertise étendue sur les sujets :
- D’analyse de cycle de vie
- D’architectures IT & Cloud
- Du pilotage projet & consulting
Nous facilitons l’aide entre pairs (comme la montée en compétences ou projets), et nous co-construisons des ressources expertisées et actualisées sous licences libres :
- Méthodologie de mesure
- Référentiel de données
- Moteur de calcul
Ces « communs » facilitent la mesure d’impact des infrastructures et services numériques. Ils permettent une évaluation en cycle de vie complet à l’aide d’une approche multi-critères, en s’appuyant sur les travaux d’organisations de référence.
Pour les équipes Numérique Responsable et RSE, une participation modeste à Boavizta est susceptible de générer des bénéfices au quotidien. Nous proposons une démarche de mesure plus fiable et plus agile tout en réduisant les délais de déploiement.
Eléments biographiques
Eric FOURBOUL, Laurent ESKENAZI, Romain LORENZINI, Sébastien SOLERE sont co-fondateurs de Boavizta, groupe de travail dédié à la mesure d’impact environnemental du numérique des organisations .
Ils sont également consultants indépendants ou associés à la coopérative Fairness. Ils travaillent depuis plus de 20 ans pour des clients comme Microsoft, Orange, la Banque de France ou Engie.
Laurent ESKENAZI
Romain LORENZINI
Sébastien SOLERE
Eric FOURBOUL